L'essentiel à retenir
Le président Donald Trump s'apprête à signer un décret exécutif dès lundi 16 décembre pour ordonner aux agences fédérales de reclasser la marijuana de la catégorie Schedule I — qui regroupe les drogues les plus dangereuses comme l'héroïne et le LSD — vers la catégorie Schedule III, aux côtés de la kétamine et du Tylenol à la codéine. Cette annonce, rapportée par le Washington Post et confirmée par plusieurs sources proches du dossier, a provoqué une hausse spectaculaire des valeurs du secteur cannabis vendredi 13 décembre 2025.
Une séance boursière historique pour le secteur cannabis
Les actions des principales entreprises du secteur ont enregistré leurs plus fortes progressions depuis des années. Tilray Brands (TLRY) a bondi de 44 % pour atteindre 11,17 dollars, tandis que Canopy Growth (CGC) s'est envolé de 52 % à 1,59 dollar. Aurora Cannabis (ACB) a progressé de 18,7 % et SNDL Inc a gagné 34,7 %.
L'ETF Amplify Seymour Cannabis (CNBS) a réalisé sa meilleure séance historique avec une hausse de 54 %, atteignant 35,10 dollars. Innovative Industrial Properties (IIPR), foncière spécialisée dans l'immobilier cannabis, a également progressé de près de 9 %.
« Je suis bien plus optimiste que je ne l'ai jamais été »
— Irwin Simon, PDG de Tilray Brands, à CNBC
Un changement fiscal majeur pour l'industrie
L'enjeu principal de cette reclassification concerne la section 280E du code fiscal américain. Cette disposition interdit aux entreprises commercialisant des substances de catégorie Schedule I ou II de déduire leurs dépenses d'exploitation de leur revenu brut. En pratique, cela signifie que les entreprises de cannabis paient des impôts sur leur chiffre d'affaires plutôt que sur leurs bénéfices, avec des taux d'imposition effectifs pouvant dépasser 70 %.
Selon les analystes, la reclassification en Schedule III permettrait aux opérateurs américains d'augmenter leurs bénéfices après impôts de 40 à 70 %. En 2024, l'industrie du cannabis a payé environ 2,3 milliards de dollars de taxes supplémentaires en raison de la réglementation 280E. Sans réforme, ce montant pourrait atteindre 5 milliards de dollars d'ici 2030.
« La reclassification du cannabis par Trump n'était pas une question de savoir si, mais de savoir quand, selon notre évaluation »
— Ed Groshans, analyste senior chez Compass Point Research
Les coulisses d'une décision politique
Cette initiative intervient après une réunion entre le président Trump et des dirigeants de l'industrie du cannabis dans le Bureau ovale le mercredi 10 décembre. Lors de cette réunion, Trump était en communication téléphonique avec le président de la Chambre des représentants Mike Johnson, qui s'est montré réticent à cette réforme en citant des études sur les risques liés au cannabis.
Cependant, les dirigeants de l'industrie auraient réfuté les arguments de Johnson, et Trump serait ressorti de cette conversation prêt à agir. Le président a également discuté de ce projet avec Robert F. Kennedy Jr., secrétaire à la Santé (HHS), et Mehmet Oz, administrateur des Centers for Medicare & Medicaid Services (CMS).
Selon des sources proches du dossier, Mehmet Oz s'opposerait au passage en Schedule III et préférerait un classement en Schedule II — ce qui maintiendrait l'application de la section 280E et les restrictions fiscales actuelles.
Un cadre juridique complexe
Il est important de noter que le président ne peut pas reclasser unilatéralement une substance contrôlée. La procédure nécessite l'intervention de la procureure générale Pam Bondi, qui détient l'autorité finale en vertu de la loi sur les substances contrôlées (Controlled Substances Act).
« Une reclassification ne constituerait qu'une victoire partielle. Le secteur devra continuer à se battre pour une légalisation complète »
— Shawn Hauser, associée au cabinet Vicente LLP spécialisé dans le cannabis
Si Trump ordonne la reclassification, l'administration américaine des médicaments (DEA) devrait finaliser une règle définitive d'ici l'été 2025. Un porte-parole de la Maison Blanche a toutefois précisé qu'« aucune décision finale n'a été prise concernant la reclassification de la marijuana ».
Les implications pour les investisseurs européens
Cette réforme pourrait avoir des répercussions significatives pour les investisseurs européens. Le secteur cannabis américain devrait générer 34 milliards de dollars de revenus en 2025, et une reclassification pourrait doubler le taux de croissance annuel de l'industrie pour atteindre 20 %.
Aaron Grey, analyste chez Alliance Global Partners, identifie plusieurs catalyseurs potentiels : « Cela ouvre la voie à la légalisation du cannabis dans de nouveaux États, à l'adoption de mesures bancaires plus sûres et, enfin, à l'inscription des actions liées au cannabis sur les principales bourses américaines ».
Actuellement, les restrictions fédérales empêchent la plupart des banques et des investisseurs institutionnels d'entrer dans le secteur. Une reclassification pourrait débloquer de nouveaux capitaux et permettre aux entreprises de cannabis d'accéder aux circuits financiers traditionnels.
Ce qu'il faut surveiller
- La signature effective du décret exécutif, attendue dès lundi 16 décembre
- La réaction de la procureure générale Pam Bondi et le calendrier de mise en oeuvre
- L'éventuelle opposition du Congrès, notamment de Mike Johnson
- La finalisation de la règle par la DEA, prévue pour l'été 2025
- L'impact sur les valorisations des entreprises cotées et les opportunités d'investissement
Conclusion
La reclassification du cannabis en Schedule III représenterait le changement le plus significatif de la politique fédérale américaine sur la marijuana depuis des décennies. Pour les investisseurs, cette réforme fiscale pourrait transformer la rentabilité du secteur et ouvrir la voie à une institutionnalisation du marché. Toutefois, comme le soulignent les experts, il ne s'agit que d'une première étape vers une normalisation complète du secteur.