L'année 2025 restera dans les annales comme une année exceptionnelle pour les fusions-acquisitions mondiales. Selon les données de LSEG et Dealogic, le volume total des transactions a atteint entre 4 500 et 4 800 milliards de dollars, soit une hausse spectaculaire de 38 à 50 % par rapport à 2024. Ce résultat place 2025 au deuxième rang historique, juste derrière le record de 2021 établi à plus de 6 000 milliards de dollars dans un contexte de taux quasi-nuls post-pandémie.
Une vague de méga-opérations sans précédent
Le trait distinctif de 2025 reste l'explosion des très grandes opérations. Pas moins de 70 transactions ont dépassé le seuil de 10 milliards de dollars, un record absolu. Plus remarquable encore, quatre opérations ont franchi la barre des 40 milliards de dollars, contre zéro en 2024.
Parmi les opérations les plus marquantes :
- Union Pacific et Norfolk Southern : 85 à 88 milliards de dollars pour cette fusion ferroviaire américaine historique
- Netflix et Warner Bros. : 82,7 milliards de dollars, redéfinissant le paysage du streaming mondial
- Teck Resources et Anglo American : 69 milliards de dollars dans le secteur minier
- Electronic Arts : 55 milliards de dollars pour le plus grand LBO de l'histoire du jeu vidéo, mené par le PIF saoudien et Silver Lake
- Kimberly-Clark et Kenvue : 48,7 milliards de dollars, créant un géant des produits de consommation
- Google/Alphabet et Wiz : 32 milliards de dollars, la plus grande acquisition de l'histoire d'Alphabet
Les États-Unis, locomotive du marché mondial
Le marché américain a représenté près de 50 % de la valeur totale des transactions mondiales. Avec 2 300 milliards de dollars d'opérations, les États-Unis enregistrent une progression de 49 % par rapport à 2024.
« Nous avons atteint 4 500 milliards de dollars de volume, soit une hausse de 38 % sur un an. C'est bien au-delà de ce que quiconque aurait pu prévoir », a déclaré Anu Aiyengar, responsable mondiale du M&A chez JPMorgan.
Plusieurs facteurs ont propulsé cette dynamique américaine : un environnement réglementaire assoupli sous l'administration Trump, des marchés financiers robustes et des conditions de financement favorables après trois baisses de taux de la Fed totalisant 75 points de base.
La technologie et l'IA au cœur des transactions
Le secteur technologique a dominé l'activité avec 478 milliards de dollars de transactions, en hausse de 76 % sur un an. Fait marquant : près de 50 % des opérations supérieures à 500 millions de dollars impliquaient des entreprises liées à l'intelligence artificielle ou citaient l'IA parmi les bénéfices attendus.
Selon Bain & Company, 75 % des acquéreurs stratégiques ont évalué l'impact de l'IA sur leurs cibles, et plus de 20 % ont renoncé à des acquisitions en raison de préoccupations liées à cette technologie.
« Les entreprises de tous secteurs ressentent un besoin urgent de repenser leur stratégie », a souligné Suzanne Kumar, vice-présidente exécutive du M&A chez Bain & Company.
L'Europe attire les capitaux étrangers
Le marché européen a joué un rôle d'importateur net de capitaux en 2025, avec 415 milliards de dollars de flux entrants contre 290 milliards de dollars de sorties. La faiblesse de l'euro face au dollar (1,05 USD/EUR contre 1,18 en 2023) a offert aux acquéreurs internationaux une décote effective de 10 à 20 %.
Le secteur bancaire européen a particulièrement brillé : avec 27 milliards de dollars d'opérations annoncées, 2025 constitue une année record, presque le double du volume de 2024.
« 2025 a été une année record pour le M&A bancaire, le volume du premier semestre dépassant déjà celui de toute l'année 2024 », a confirmé Ronan O'Kelly, partenaire chez Oliver Wyman.
Un marché français contrasté
La France présente un tableau plus nuancé. Si les entreprises françaises ont brillé à l'international avec 54,3 milliards de dollars d'acquisitions à l'étranger (+27 %), le marché domestique a reculé de 19 % en valeur pour atteindre 44,3 milliards de dollars, son plus bas niveau depuis 2013.
L'instabilité politique liée à la dissolution de l'Assemblée nationale a pesé sur la confiance des investisseurs. Parmi les opérations notables, la fusion de BNP Paribas et AXA Investment Managers pour 5,1 milliards d'euros devrait être finalisée en 2025.
Le private equity sous pression
L'activité des fonds de private equity a progressé de 25 % pour atteindre 889 milliards de dollars, un niveau inférieur à l'activité des entreprises cotées. Les fonds font face à des périodes de détention prolongées : près de 50 % des 29 400 sociétés en portefeuille sont détenues depuis plus de 5 ans.
Le marché secondaire a connu une croissance de 60 %, les gestionnaires privilégiant les « continuation vehicles » et les cessions entre sponsors pour générer de la liquidité.
Un environnement réglementaire plus favorable
L'administration Trump a marqué une rupture avec la politique antitrust de l'ère Biden. La FTC et le DOJ ont accordé plus de 100 terminaisons anticipées de la période d'attente Hart-Scott-Rodino, permettant aux transactions non problématiques de se conclure plus rapidement.
Le retour aux remèdes structurels (cessions d'actifs) a facilité l'approbation de nombreuses opérations, contrastant avec l'approche plus restrictive des années précédentes. L'acquisition de Wiz par Google pour 32 milliards de dollars illustre ce nouveau climat réglementaire.
Perspectives 2026 : un optimisme prudent
Les banquiers d'affaires anticipent une poursuite de la dynamique en 2026. Goldman Sachs, qui a conseillé plus de 1 000 milliards de dollars d'opérations en 2025, affiche un carnet de commandes au plus haut depuis trois ans.
« Les conseils d'administration et les PDG perçoivent cela comme une fenêtre pluriannuelle où voir grand devient possible », a estimé Ben Wallace, co-responsable du M&A chez Goldman Sachs.
Morgan Stanley projette une croissance de 20 % du volume M&A en 2026, après 32 % en 2025. Parmi les facteurs de soutien : la stabilité macroéconomique, les baisses de taux attendues et l'impératif stratégique d'intégrer des capacités d'IA.
Points de vigilance
Plusieurs risques demeurent pour 2026 :
- L'impact des tensions commerciales et des droits de douane sur la confiance des entreprises
- La persistance d'une inflation qui pourrait contraindre les politiques des banques centrales
- L'incertitude géopolitique (Ukraine, Moyen-Orient)
- La capacité réelle de l'IA à générer les gains d'efficacité anticipés
Ce qu'il faut retenir
L'année 2025 a démontré la capacité de rebond du marché des fusions-acquisitions après deux années de ralentissement. La combinaison de conditions de financement favorables, d'un environnement réglementaire assoupli et de l'impératif de transformation numérique a créé une fenêtre propice aux grandes opérations.
Pour les investisseurs français, cette dynamique mondiale offre des opportunités de diversification à travers des fonds exposés aux méga-opérations technologiques et aux restructurations sectorielles. La vigilance reste toutefois de mise face aux valorisations élevées et aux incertitudes macroéconomiques persistantes.