Les faillites d'entreprises américaines ont atteint leur plus haut niveau depuis 2010, avec 717 dépôts de bilan entre janvier et novembre 2025. L'industrie manufacturière et le commerce de détail sont les secteurs les plus touchés par la hausse des coûts et les incertitudes commerciales.
L'économie américaine traverse une période de turbulences financières majeures. Selon les données de S&P Global, 717 entreprises ont déposé le bilan entre janvier et novembre 2025, soit une hausse de 14 % par rapport à la même période en 2024. Ce chiffre représente le niveau le plus élevé de faillites depuis 2010, année qui marquait encore les séquelles de la Grande Récession de 2008-2009.
Cette tendance s'inscrit dans un mouvement haussier qui a débuté en 2022, lorsque la Réserve fédérale a entamé son cycle de hausse des taux directeurs pour combattre l'inflation. Les dépôts de bilan sont passés de 373 en 2022 à 634 en 2023, puis 688 en 2024, avant d'atteindre ce nouveau pic en 2025.
Le phénomène est particulièrement marqué parmi les grandes entreprises. Selon le cabinet Cornerstone Research, 32 « méga-faillites » — impliquant des sociétés possédant plus d'un milliard de dollars d'actifs — ont été enregistrées au cours des 12 derniers mois, contre 24 lors de la période précédente. Ce chiffre dépasse largement la moyenne historique de 23 faillites majeures par an sur la période 2005-2024.
Au premier semestre 2025, 17 méga-faillites ont été comptabilisées, le niveau semestriel le plus élevé depuis l'émergence de la pandémie de COVID-19 en 2020. Parmi les dépôts les plus significatifs figure Hudson's Bay Company, la maison-mère des grands magasins canadiens, avec 3,7 milliards de dollars d'actifs et 3,2 milliards de passif.
« Les entreprises déposant des méga-faillites au cours de l'année écoulée ont continué à invoquer l'inflation élevée et les taux d'intérêt, qui ont pesé sur la demande des consommateurs et augmenté les coûts d'exploitation et de financement. »
— Matt Osborn, Principal chez Cornerstone Research
L'industrie manufacturière constitue le secteur le plus affecté par cette vague de faillites. Le secteur a enregistré 70 000 suppressions d'emplois en glissement annuel au mois de novembre, selon les données fédérales. Selon Cornerstone Research, 67 % des méga-faillites manufacturières ont cité les changements réglementaires et les politiques commerciales comme facteurs déterminants de leurs difficultés.
Les nouvelles mesures tarifaires ont particulièrement touché les importateurs. Jason Miller, professeur à l'Université d'État du Michigan, a calculé que le taux effectif des droits de douane sur les cellules et panneaux solaires importés a grimpé à environ 20 % après mai 2025, contre moins de 5 % les années précédentes. Les importateurs de panneaux solaires ont payé près de 70 millions de dollars par mois en droits de douane au second semestre 2025.
Le secteur du commerce de détail a connu une année particulièrement sombre. Environ 8 200 magasins ont fermé leurs portes en 2025, soit 12 % de plus qu'en 2024 selon Coresight Research. Au total, 30 chaînes de distribution ont déposé le bilan cette année.
Parmi les enseignes emblématiques disparues :
Spirit Airlines illustre la fragilité du secteur aérien. La compagnie low-cost a déposé son deuxième bilan en moins d'un an le 29 août 2025, affichant une dette à long terme de 2,4 milliards de dollars et un flux de trésorerie négatif d'un milliard de dollars. Spirit a dû supprimer 1 800 postes d'hôtesses de l'air et réduire drastiquement sa flotte pour tenter de se restructurer.
Les établissements de santé n'échappent pas à la tendance. Selon PwC, les dépôts de bilan dans le secteur ont progressé de 75 % par rapport à la moyenne de la période 2016-2022. Trois établissements de santé ayant plus d'un milliard de dollars d'actifs ont fait faillite cette année, dont Prospect Medical Holdings en janvier et Genesis HealthCare en juillet 2025.
Plus préoccupant encore, le Center for Healthcare Quality and Payment Reform estime que 323 hôpitaux ruraux sont en risque immédiat de fermeture, leurs réserves financières ne pouvant couvrir leurs pertes que pendant deux à trois ans au maximum.
Le secteur solaire américain traverse une crise majeure. PosiGen, installateur de panneaux solaires résidentiels basé à La Nouvelle-Orléans, a déposé le bilan le 24 novembre 2025, avec un actif et un passif estimés entre 100 et 500 millions de dollars. La société, qui employait environ 500 personnes et avait équipé 40 000 foyers dans 15 États, a cessé l'essentiel de ses opérations dès août 2025 après l'épuisement de sa ligne de crédit de 600 millions de dollars auprès de Brookfield Asset Management.
D'autres acteurs majeurs comme SunPower, Solar Mosaic et Sunnova ont également fait faillite cette année, illustrant les difficultés structurelles du secteur face aux changements de politique énergétique.
La Réserve fédérale a abaissé son taux directeur à 3,5-3,75 % en décembre 2025, après plusieurs baisses consécutives. Cependant, les analystes estiment que ce recul des taux sera insuffisant pour sauver les entreprises les plus fragilisées.
Selon Coface, les faillites aux États-Unis devraient rester à un niveau élevé jusqu'à mi-2026 au moins. Le cabinet souligne que les pressions accumulées — coûts de refinancement plus élevés, charges salariales accrues et impact des droits de douane — continuent de peser sur les marges des entreprises alors que la demande faiblit.
Pour les épargnants et investisseurs européens, cette vague de faillites américaines constitue un signal d'alerte. Elle rappelle l'importance de la diversification géographique et sectorielle des portefeuilles. Les secteurs les plus exposés — distribution traditionnelle, transport aérien, immobilier commercial — méritent une vigilance accrue.
La France n'est pas épargnée par les difficultés économiques. La Banque de France a enregistré 65 764 défaillances d'entreprises en 2024, avec une tendance qui reste orientée à la hausse, en partie due à un effet de rattrapage post-COVID et aux conditions de financement durcies.
