Le fonds spéculatif américain Toms Capital Investment Management (TCIM) a pris une participation qualifiée de « significative » dans Target Corporation, selon une information exclusive du Financial Times publiée vendredi 27 décembre 2025. Cette annonce intervient alors que le géant de la distribution traverse l'une des périodes les plus difficiles de son histoire récente.
Un investisseur activiste au palmarès remarquable
TCIM, fondé en 2017 par d'anciens cadres de GLG Partners, gère environ 2,35 milliards de dollars d'actifs. Le fonds s'est fait connaître pour ses prises de participation dans des entreprises en difficulté où il pousse à des changements stratégiques. Parmi ses investissements récents figurent Kellanova (fabricant de Pringles), US Steel, et surtout Kenvue.
Le cas Kenvue illustre particulièrement la stratégie de TCIM : le fonds avait pris position dans l'entreprise (fabricant de Tylenol et Band-Aid) avant son rachat par Kimberly-Clark pour 48,7 milliards de dollars, annoncé en novembre 2025. Cette transaction valorise Kenvue à 14,3 fois son EBITDA ajusté, démontrant la capacité de TCIM à identifier des cibles sous-évaluées.
Target : 12 trimestres de déclin commercial
La situation de Target justifie l'intérêt des investisseurs activistes. Le distributeur basé à Minneapolis cumule désormais 12 trimestres consécutifs de croissance des ventes négative ou négligeable. Au troisième trimestre 2025, les résultats confirment cette tendance :
- Chiffre d'affaires : 25,3 milliards de dollars, en baisse de 1,5 % sur un an
- Ventes comparables : recul de 2,7 %
- Ventes en magasin : chute de 4 %
- BPA ajusté : 1,78 dollar, contre 1,85 dollar un an plus tôt
Seules les ventes digitales progressent (+2,4 %), portées par une croissance de plus de 35 % des livraisons le jour même via Target Circle 360.
Une action en chute libre de 60 %
L'action Target a perdu plus de 60 % de sa valeur depuis son sommet historique de 238 dollars atteint en novembre 2021, au plus fort de la frénésie d'achats liée à la pandémie. En 2025, le titre affiche un repli d'environ 30 %, alors que dans le même temps, son concurrent direct Walmart progresse de 14 % et flirte avec ses plus hauts historiques.
Ce différentiel de performance s'explique par les positionnements stratégiques divergents des deux enseignes. Walmart, avec sa stratégie de « prix bas au quotidien », répond mieux aux attentes des consommateurs soucieux de leur budget. Target, qui mise sur une expérience shopping plus haut de gamme, peine à convaincre dans un contexte d'inflation persistante.
« Les investisseurs sont avides de changement, ce qui renforce les chances de notre proposition actionnariale », a déclaré Matt Prescott, président de l'Accountability Board, une organisation activiste qui a déposé une résolution en octobre pour la nomination d'un président du conseil indépendant.
Transition managériale et restructuration en cours
Target a engagé plusieurs actions pour redresser la barre. Le 1er février 2026, Michael Fiddelke, actuel directeur des opérations et vétéran de 20 ans chez Target, succèdera à Brian Cornell au poste de PDG. Cornell deviendra président exécutif du conseil d'administration.
En parallèle, l'entreprise a annoncé en octobre 2025 la suppression de 1 800 postes au siège, soit environ 8 % des effectifs corporate. Les postes de direction ont été trois fois plus touchés que les autres, signe d'un aplatissement de la structure managériale.
Michael Fiddelke a qualifié cette restructuration de « décision difficile mais nécessaire pour construire l'avenir de Target ». Le groupe prévoit également d'investir 1 milliard de dollars supplémentaires en 2026 pour ouvrir de nouveaux magasins et rénover les existants.
Réaction du marché et perspectives
L'action Target a bondi de 3,3 % vendredi à l'annonce de la prise de participation de TCIM, témoignant de l'espoir des investisseurs qu'un actionnaire activiste puisse accélérer le redressement.
Target se négocie actuellement à environ 10 fois ses bénéfices, contre 40 fois pour Walmart. Cette décote reflète les incertitudes sur la capacité du groupe à retrouver une croissance durable. Le consensus des analystes est prudent : sur 35 analystes suivant le titre, 19 recommandent de conserver, contre seulement 8 à l'achat fort.
Dans sa réponse au Financial Times, Target a indiqué maintenir un « dialogue régulier » avec l'ensemble de ses actionnaires, soulignant que sa priorité absolue était « le retour à la croissance » à travers trois axes : l'autorité merchandising, l'expérience client et la technologie.
Ce que cela signifie pour les investisseurs
L'entrée de TCIM au capital de Target illustre une tendance croissante de l'activisme actionnarial dans le secteur de la distribution. Pour les investisseurs particuliers, plusieurs éléments méritent attention :
- Le rendement du dividende de Target atteint 5,07 %, contre seulement 0,92 % pour Walmart
- La valorisation actuelle (P/E de 10) intègre un scénario pessimiste
- Les prochaines annonces de TCIM sur ses intentions pourraient créer de la volatilité
- La transition managériale en février 2026 constitue un catalyseur potentiel
Les investisseurs prudents attendront probablement les premiers résultats sous la direction de Fiddelke et les éventuelles demandes formelles de TCIM avant de se positionner. L'histoire récente de TCIM avec Kenvue suggère que le fonds pourrait pousser à une création de valeur actionnariale significative, que ce soit par des cessions d'actifs, une restructuration plus profonde ou, en dernier recours, une vente de l'entreprise.