Un nouveau record dans un marché porté par la croissance
Le S&P 500 a inscrit son 39e record de clôture de l'année 2025 le 24 décembre, atteignant un sommet intrajournalier de 6 921,42 points avant de clôturer à 6 932,05 points, en hausse de 0,3 %. Cette performance s'inscrit dans une série de quatre séances consécutives de gains et porte la progression annuelle de l'indice à 17,5 %, marquant ainsi la troisième année consécutive de rendements à deux chiffres.
La veille, le 23 décembre, l'indice avait déjà clôturé à 6 909,79 points (+0,46 %), tandis que le Nasdaq Composite progressait de 0,57 % à 23 561,84 points et le Dow Jones de 0,2 %. Cette dynamique positive intervient dans le cadre de la traditionnelle période du « Santa Claus rally », qui couvre les cinq derniers jours de bourse de l'année et les deux premiers de la nouvelle année, période historiquement favorable avec un gain moyen de 1,3 % à 1,6 % depuis 1928.
Une croissance économique qui dépasse les attentes
Le principal catalyseur de cette hausse réside dans la publication des données de croissance du troisième trimestre 2025. Le PIB américain a progressé à un rythme annualisé de 4,3 %, dépassant largement les prévisions des économistes qui tablaient sur 3,3 %. Il s'agit de la croissance trimestrielle la plus forte depuis deux ans, reflétant la résilience de l'économie américaine.
Cette performance s'explique principalement par la vigueur de la consommation des ménages, qui a augmenté de 3,5 % en rythme annualisé, contribuant à hauteur de 2,4 points de pourcentage à la croissance globale. Les exportations ont également bondi de 8,8 %, tandis que les importations ont reculé de 4,7 %. Selon le Bureau of Economic Analysis (BEA), cette croissance reflète des hausses dans la consommation, les exportations et les dépenses gouvernementales.
L'inflation reste au-dessus de la cible de la Fed
Toutefois, ces bonnes nouvelles sur la croissance s'accompagnent d'une accélération de l'inflation. L'indice des prix PCE (Personal Consumption Expenditures) a progressé de 2,8 % au troisième trimestre, contre 2,1 % au deuxième trimestre, tandis que le PCE core (hors alimentation et énergie) est passé de 2,6 % à 2,9 %. Ces deux indicateurs restent au-dessus de l'objectif de 2 % de la Réserve fédérale, ce qui complique les perspectives de politique monétaire.
La Fed adopte une approche prudente malgré la baisse de décembre
Le 10 décembre, la Réserve fédérale a procédé à sa troisième baisse consécutive de taux, réduisant le taux directeur de 25 points de base pour le ramener dans une fourchette de 3,50 % à 3,75 %, son niveau le plus bas depuis novembre 2022. Cette décision, adoptée par un vote de 9 contre 3 avec quatre « dissidences douces » supplémentaires, témoigne de divisions internes au sein du comité de politique monétaire.
Le « dot plot » (graphique de projection des taux) publié lors de cette réunion signale une approche nettement plus prudente pour l'avenir : la Fed ne prévoit plus qu'une seule baisse en 2026 et une autre en 2027, avec un taux cible à long terme autour de 3 %. Sept membres du FOMC ont même indiqué ne souhaiter aucune baisse l'année prochaine. Parallèlement, le comité a relevé de 0,5 point de pourcentage sa prévision de croissance du PIB pour 2026, la portant à 2,3 %.
John Williams, président de la Fed de New York, et Christopher Waller, gouverneur de la Fed, avaient tenu des propos accommodants avant la réunion, alimentant les attentes du marché qui évaluaient à 80 % la probabilité d'une baisse en décembre. Toutefois, les marchés anticipent désormais seulement deux baisses de 25 points de base en 2026, reflétant ce changement de ton plus restrictif.
Des signaux d'alarme sur la confiance des consommateurs
En dépit de la robustesse des données macroéconomiques, la confiance des consommateurs continue de se détériorer. L'indice du Conference Board a chuté de 3,8 points à 89,1 en décembre, marquant le cinquième mois consécutif de baisse. Il s'agit du niveau le plus bas depuis avril, lorsque les droits de douane imposés par l'administration Trump sur les partenaires commerciaux américains avaient pesé sur le moral des ménages.
L'indice des attentes, qui mesure les perspectives des consommateurs pour les six prochains mois, est resté stable à 70,7 mais demeure sous le seuil de 80 depuis 11 mois consécutifs. Selon les méthodologies du Conference Board, un tel niveau prolongé signale traditionnellement un risque accru de récession. L'indice de la situation actuelle, quant à lui, a chuté de 9,5 points à 116,8, reflétant une dégradation de la perception des conditions économiques et du marché du travail.
Les principales préoccupations des consommateurs restent l'inflation et les droits de douane. Pour la première fois depuis près de quatre ans, la vision qu'ont les ménages de leur situation financière actuelle est passée en territoire négatif. Les économistes décrivent le marché du travail comme étant dans un état de « faible embauche, faible licenciement », conséquence de l'incertitude entourant les tarifs douaniers et des effets persistants des taux d'intérêt élevés.
Les valeurs technologiques soutiennent la hausse
Le secteur technologique a joué un rôle moteur dans la performance de l'indice. Nvidia a progressé d'environ 3 % le 23 décembre, affichant un gain annuel de 36 % à 37 %. L'entreprise a franchi un point d'entrée technique majeur à 194,17 dollars le 22 décembre, déclenchant des achats algorithmiques qui ont propulsé le titre en zone d'achat fort. Broadcom a gagné plus de 2 % le même jour, avec une progression annuelle de 40 %, bien que l'action reste en retrait de plus de 20 % par rapport à son sommet historique suite à une publication trimestrielle décevante. Alphabet a également progressé de 1 %.
Le Nasdaq Composite affiche une hausse de 22 % sur l'année, surperformant le S&P 500. Morgan Stanley a d'ailleurs désigné Nvidia, Broadcom et Astera Labs comme ses choix privilégiés dans le secteur des semi-conducteurs pour 2026, citant la demande robuste liée à l'intelligence artificielle dans les centres de données.
L'or franchit la barre des 4 500 dollars, nouveau record historique
Parallèlement aux actions, les métaux précieux ont également atteint des sommets historiques. L'or a franchi pour la première fois la barre des 4 500 dollars l'once le 24 décembre, atteignant un pic intrajournalier à 4 530,80 dollars pour les contrats à terme de février, tandis que l'or au comptant a touché 4 525,19 dollars. Cette envolée porte la progression annuelle de l'or à près de 70 %, sa meilleure performance depuis 1979.
Plusieurs facteurs expliquent cette ruée vers la valeur refuge : l'incertitude géopolitique persistante, notamment au Moyen-Orient et concernant un éventuel accord de paix Russie-Ukraine, la faiblesse du dollar américain (en baisse de près de 10 % en 2025, sa pire année depuis huit ans), les anticipations de baisses de taux de la Fed, et les inquiétudes entourant la guerre commerciale menée par Donald Trump ainsi que ses menaces sur l'indépendance de la Réserve fédérale. L'argent a également atteint un sommet historique, et le cuivre a franchi pour la première fois la barre des 12 000 dollars la tonne.
Des valorisations qui suscitent l'inquiétude
Malgré l'euphorie ambiante, les analystes tirent la sonnette d'alarme sur les niveaux de valorisation du marché. Le ratio cours/bénéfice (P/E) forward du S&P 500 s'établit entre 22,4 et 22,5, nettement au-dessus de la moyenne sur 5 ans de 20,0 et de la moyenne sur 10 ans de 18,7. Plus préoccupant encore, ce ratio est supérieur de 40 % à la moyenne historique de 15 à 16.
Selon une analyse de 24/7 Wall St, une telle situation ne s'est produite que deux fois au cours des 40 dernières années : lors de la bulle technologique de la fin des années 1990 et pendant le pic pandémique de 2021 dopé par les mesures de relance. Dans les deux cas, les investisseurs ayant acheté à ces sommets de valorisation ont subi des pertes importantes, avec une chute de 49 % entre 2000 et 2002 pour la bulle internet, et un recul de 25 % après le pic de 2021. Le ratio P/E trailing s'élève même à 27,73, et le ratio Shiller P/E10 se situe 120 % au-dessus de sa moyenne historique.
Néanmoins, les analystes restent optimistes pour 2026, projetant une croissance des bénéfices de 15 % et des revenus de 7,2 %. Le bénéfice par action prospectif sur 12 mois du S&P 500 s'établit actuellement à 292 dollars, en hausse de 7,4 % depuis le début de l'année, ce qui suggère que plus de la moitié des rendements de 2025 proviennent de la croissance des profits et non uniquement de l'expansion des multiples de valorisation.
Les marchés européens en soutien
En Europe, le CAC 40 a progressé à environ 8 115 points le 24 décembre, interrompant deux jours de baisse grâce notamment aux gains des valeurs du luxe. Le 19 décembre, l'indice parisien avait gagné 0,8 % à 8 150,6 points, portant sa progression hebdomadaire à environ 1 %. L'indice français se situe désormais à seulement 160 points, soit environ 2 %, de son record historique de 8 314,2 points établi en novembre.
Historiquement, le CAC 40 affiche une performance moyenne de +1,57 % en décembre avec un taux de réussite de 70 %, ce qui en fait l'un des trois meilleurs mois de l'année pour l'indice. L'indice paneuropéen STOXX Europe 600 a établi un nouveau sommet historique à la mi-décembre, tandis que la Banque centrale européenne a maintenu ses taux inchangés tout en relevant ses prévisions de croissance pour la zone euro en 2026.
Perspectives et points de vigilance
À l'approche de la fin de l'année, plusieurs facteurs méritent d'être surveillés. La période du Santa Claus rally, qui débute officiellement le 24 décembre, sera un test important pour le marché. Historiquement positive dans 79 % des cas, cette période avait enregistré en 2024 sa première perte jamais observée, mettant fin à une série de sept années de gains consécutifs. Selon LPL Financial, deux Santa rallies consécutifs manqués sont extrêmement rares, ne s'étant produits qu'en 1993-1994 et 2015-2016.
Les investisseurs devront également surveiller de près l'évolution de l'inflation et les commentaires des membres de la Fed, qui détermineront le rythme des baisses de taux en 2026. La divergence croissante entre une économie apparemment robuste et la confiance des consommateurs en berne constitue un paradoxe qui pourrait se résoudre dans un sens comme dans l'autre. Enfin, les valorisations élevées suggèrent que le marché intègre déjà un scénario très optimiste, laissant peu de marge d'erreur en cas de déception sur la croissance des bénéfices ou de retour de l'aversion au risque.
Le contexte géopolitique, avec les incertitudes commerciales liées aux politiques douanières américaines et les tensions internationales, continuera de soutenir la demande pour les actifs refuges comme l'or, tout en constituant un risque potentiel pour les actifs risqués. Les prochains résultats trimestriels des grandes entreprises technologiques au premier trimestre 2026 seront déterminants pour valider ou infirmer les attentes élevées du marché en matière de croissance bénéficiaire.