Les métaux précieux clôturent 2025 sur des niveaux historiques jamais atteints. L'argent a franchi pour la première fois la barre des 79 dollars l'once le 27 décembre, tandis que l'or a touché 4 540 dollars et le platine 2 475 dollars. Ces performances constituent la plus forte hausse annuelle depuis 1979, année de la crise pétrolière et de l'inflation galopante.
Des records absolus pour tous les métaux précieux
Le bilan de l'année 2025 est sans précédent :
- Argent : 79,25 $ l'once, en hausse de 170 % sur l'année
- Platine : 2 475 $ l'once, +172 % depuis janvier
- Or : 4 540 $ l'once, +70 % sur l'année
- Palladium : au-dessus de 2 000 $, +124 % depuis le début de l'année
Jim Wyckoff, analyste senior chez Kitco Metals, résume la situation : « Ces mouvements de prix ont fait l'histoire. Nous sommes dans un cycle haussier majeur pour l'or et l'argent. »
L'argent : une pénurie structurelle qui s'aggrave
La performance exceptionnelle de l'argent s'explique par une conjonction de facteurs structurels. Le marché entre dans sa cinquième année consécutive de déficit d'offre, avec un cumul depuis 2021 approchant les 800 millions d'onces – l'équivalent d'une année entière de production mondiale.
Maria Smirnova, directrice des investissements chez Sprott, analyse : « Depuis sept ans environ, nous sommes en déficit fondamental entre l'offre et la demande. »
Le Silver Institute prévoit un déficit de 117 millions d'onces pour 2025, parmi les plus importants de l'histoire récente. Les inventaires de la London Bullion Market Association (LBMA) et du COMEX ont atteint des niveaux historiquement bas, avec une chute de 70 % des stocks enregistrés depuis 2020.
En octobre 2025, les taux de location de l'argent ont bondi jusqu'à 200 % annualisés, signe d'une rareté extrême du métal physique disponible sur le marché.
La Chine resserre l'étau sur les exportations
Un facteur déterminant pour 2026 : la Chine, qui contrôle 60 à 70 % de la production mondiale d'argent raffiné, impose de nouvelles restrictions à l'exportation à partir du 1er janvier 2026. Les entreprises devront obtenir des licences gouvernementales, réservées aux sociétés agréées produisant au moins 80 tonnes par an et disposant de 30 millions de dollars de lignes de crédit.
Cette mesure exclut de fait les petits et moyens exportateurs, réduisant l'offre internationale quasi instantanément.
L'or porté par les banques centrales et les ETF
L'or bénéficie d'un double soutien exceptionnel. D'une part, les achats des banques centrales dépassent 1 000 tonnes par an depuis 2022 – soit le double de la moyenne historique. La Pologne domine les acquisitions en 2025 avec 83 tonnes, devant le Kazakhstan (41 tonnes) et la Chine (19 tonnes).
D'autre part, les flux vers les ETF adossés à l'or atteignent des niveaux records. Le SPDR Gold Shares (GLD) a enregistré son plus important afflux quotidien de l'histoire, portant les entrées de capitaux à 12,9 milliards de dollars sur l'année. À l'échelle mondiale, les ETF or ont attiré 82 milliards de dollars en 2025.
« De nombreux investisseurs réalisent qu'ils sont significativement sous-investis en or », observe Campbell Harvey, professeur à la Fuqua School of Business de Duke University.
Les moteurs macroéconomiques de la hausse
Plusieurs facteurs macroéconomiques alimentent cette envolée :
- Politique monétaire accommodante : la Réserve fédérale a procédé à trois baisses de taux consécutives en 2025, rendant les métaux précieux plus attractifs par rapport aux obligations
- Affaiblissement du dollar : le billet vert a perdu 11 % au premier semestre 2025, sa plus forte baisse en plus de 50 ans
- Tensions géopolitiques : les frappes américaines au Nigeria contre l'État islamique et les opérations au Venezuela ont ravivé les inquiétudes des investisseurs
- Craintes sur la dette : Robin Brooks, chercheur à la Brookings Institution, note que « ce trade est clairement déclenché par l'assouplissement de la Fed et les inquiétudes liées à la monétisation de la dette »
Le platine dopé par l'hydrogène vert
Le platine enregistre la deuxième meilleure performance de l'année (+172 %), porté par des fondamentaux solides. Le marché connaît sa troisième année consécutive de déficit d'offre, estimé à 850 000 onces en 2025.
L'Afrique du Sud, qui représente 80 % de la production mondiale, fait face à des contraintes opérationnelles, une inflation des coûts et des perturbations du secteur électrique. Le platine reste 30 fois plus rare que l'or, avec une production annuelle de seulement 190 tonnes.
Au-delà des applications automobiles traditionnelles, le platine s'impose comme un métal stratégique pour la transition énergétique. Les piles à combustible à hydrogène nécessitent des quantités importantes de platine comme catalyseur. Le World Platinum Investment Council prévoit une demande supplémentaire de 875 000 à 900 000 onces d'ici 2030 pour ce seul secteur.
Le lancement de contrats à terme sur le platine à la Bourse de Guangzhou le 27 novembre 2025 a également renforcé la découverte des prix en Chine, premier consommateur mondial.
Les perspectives des analystes pour 2026
Les grandes banques d'investissement maintiennent des prévisions haussières :
- Goldman Sachs : objectif or à 4 900 $ l'once fin 2026, avec des risques orientés à la hausse
- Bank of America : prévision relevée à 5 000 $ pour 2026
- Morgan Stanley : objectif à 4 400 $
- Deutsche Bank : fourchette de 3 950 $ à 4 950 $, moyenne de 4 450 $
Goldman Sachs justifie son optimisme par « une demande structurellement élevée des banques centrales et un soutien cyclique lié aux baisses de taux de la Fed ». La banque anticipe des achats de 80 tonnes par les banques centrales en 2025 et 70 tonnes en 2026.
Ce que cela signifie pour les investisseurs
Pour les épargnants et investisseurs, plusieurs éléments méritent attention :
- Diversification : les métaux précieux ont historiquement évolué indépendamment des actions dans 7 des 9 dernières corrections boursières majeures
- Accès via ETF : le GLD (or) et le SLV (argent) offrent une exposition simplifiée sans gestion de métal physique
- Demande industrielle : l'argent (panneaux solaires, électronique) et le platine (hydrogène) bénéficient de la transition énergétique
- Risques : les marchés de matières premières connaissent des cycles de hausse et de baisse – les acheteurs aux plus hauts s'exposent à une volatilité significative
La part de l'or dans les réserves mondiales est passée d'environ 8 % en 2000 à près de 15 % en 2025, selon les données du FMI, tandis que celle du dollar a reculé de plus de 70 % à environ 58 %. Cette tendance structurelle de « dédollarisation » pourrait continuer à soutenir les métaux précieux dans les années à venir.