Contexte et enjeux
Après une année 2023 marquée par une contraction sévère des financements (-66 %), l'écosystème fintech français démontre sa résilience. Le bilan annuel publié par France FinTech révèle un rebond significatif : les levées de fonds ont atteint 1,3 milliard d'euros en 2024, soit une progression de 28 % par rapport à l'exercice précédent.
Cette performance intervient dans un contexte européen contrasté, où les investissements fintech ont globalement reculé de 26 % pour s'établir à 8,3 milliards de dollars. La France tire son épingle du jeu et conforte sa position de premier écosystème de l'Union européenne, devant l'Allemagne (874 millions d'euros) et derrière le Royaume-Uni (2,8 milliards d'euros) à l'échelle continentale.
Les chiffres clés de 2024
Levées de fonds en hausse
Le ticket moyen des opérations a bondi de 64 % pour atteindre 12,6 millions d'euros, témoignant d'une plus grande maturité de l'écosystème. En contrepartie, le nombre de transactions a diminué, passant de 130 en 2023 à 101 en 2024. Les investisseurs se montrent plus sélectifs, privilégiant les projets présentant une trajectoire claire vers la rentabilité.
Un écosystème en expansion
L'écosystème compte désormais 1 145 entreprises fintech, réparties entre jeunes pousses en amorçage (40 %), startups en croissance (46 %), scale-ups (12 %) et licornes (2 %). Le secteur emploie 54 000 personnes, dont 43 000 en France, confirmant son statut de premier secteur technologique français avec un chiffre d'affaires agrégé de 2,51 milliards d'euros.
Rentabilité record
Le chiffre le plus remarquable concerne la rentabilité : 69 % des fintech ont atteint leur seuil de rentabilité en 2024, contre moins de 50 % l'année précédente. Trois scale-ups sur cinq sont désormais profitables, et le délai d'atteinte du point mort se raccourcit significativement : une fintech rentable sur quatre y est parvenue en moins de quatre ans.
Les secteurs porteurs
L'assurtech en tête
Le secteur de l'assurance technologique (assurtech) a capté 34 % des fonds levés en 2024. La levée record d'Alan illustre cette dynamique : l'insurtech a bouclé un tour de table de 173 millions d'euros en septembre 2024, portant sa valorisation à 4 milliards d'euros. Cette série F, menée par le bancassureur belge Belfius, confirme l'appétit des investisseurs pour les acteurs de l'assurance santé digitale.
Services aux entreprises
Les métiers BtoB tirent également leur épingle du jeu. Pigment, spécialiste de la planification financière, a levé 145 millions d'euros et rejoint le club des licornes avec une valorisation d'un milliard de dollars. Agicap, expert de la gestion de trésorerie, a sécurisé 45 millions d'euros pour accélérer son expansion européenne. Pennylane, plateforme de comptabilité collaborative, a d'abord levé 40 millions d'euros en début d'année pour devenir licorne, puis 75 millions d'euros supplémentaires portant sa valorisation à 2 milliards d'euros.
Web3 et tokenisation en forte progression
Le segment Web3 et tokenisation a attiré 21 % des fonds levés en 2024, contre seulement 11 % en 2023. Cette progression significative reflète l'intérêt croissant pour les technologies de registre distribué et la représentation numérique des actifs, dans un contexte où 15 % des Français ont déjà détenu des crypto-actifs début 2024.
Consolidation du marché
L'activité de fusions-acquisitions reste soutenue avec 49 opérations recensées en 2024, contre 37 l'année précédente. Cette dynamique témoigne des besoins d'innovation des acteurs traditionnels et de la consolidation naturelle d'un écosystème arrivé à maturité.
Les partenariats avec les grands groupes se multiplient : 81 % des startups interrogées ont établi un partenariat avec un acteur institutionnel, contre 76 % en 2023. Les acquisitions stratégiques récentes illustrent cette tendance : Société Générale avec Shine, BNP Paribas avec Kantox, BPCE avec Swile, ou encore Crédit Mutuel Arkéa avec Powens.
Perspectives d'experts
« L'année 2024 aura finalement été un bon millésime pour les fintech françaises, avec une belle progression de l'activité et de la rentabilité. La reprise marquée des levées a permis le retour des investissements, des recrutements et du développement international. »
Alain Clot, Président de France FinTech
Le président de l'association souligne également les ambitions internationales du secteur : « Aujourd'hui, l'enjeu est d'amener nos acteurs à la taille critique internationale. Nous en avons les moyens et l'ambition ! » Environ un quart des fintech françaises opèrent désormais à l'international, avec l'Espagne et le Royaume-Uni comme destinations privilégiées.
Défis réglementaires à l'horizon
L'année 2025 s'annonce comme un tournant réglementaire majeur pour le secteur. Le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) est pleinement entré en vigueur le 30 décembre 2024, imposant un cadre strict aux prestataires de services sur crypto-actifs. Le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) sera applicable dès le 17 janvier 2025, renforçant les exigences en matière de cybersécurité et de résilience opérationnelle.
L'AI Act européen, qui sera pleinement applicable en août 2026, ajoute une couche supplémentaire de complexité pour les fintech utilisant l'intelligence artificielle. France FinTech alerte sur les menaces législatives pesant sur les dispositifs de soutien à l'innovation, dans un contexte politique français particulièrement incertain.
Ce qu'il faut retenir
- Rebond confirmé : 1,3 milliard d'euros levés en 2024 (+28 %), ticket moyen de 12,6 millions d'euros (+64 %)
- Rentabilité record : 69 % des fintech rentables, contre moins de 50 % en 2023
- Nouvelles licornes : Pennylane et Pigment rejoignent le club des valorisations milliardaires
- Leadership européen : La France est le premier écosystème fintech de l'UE
- Secteurs porteurs : Assurtech (34 %), services BtoB, Web3 et tokenisation (21 %)
- Vigilance 2025 : Entrée en vigueur de MiCA, DORA et préparation de l'AI Act
Conclusion
L'écosystème fintech français aborde 2025 avec des fondamentaux solides mais une vigilance accrue. La progression de la rentabilité et la reprise des investissements témoignent d'une maturation du secteur. Toutefois, le contexte économique, politique et réglementaire européen impose une adaptation constante. Pour les investisseurs français, la fintech représente un secteur d'innovation domestique qui a su démontrer sa capacité à créer de la valeur, même dans des conditions de marché difficiles.