Do Kwon comparaît ce 11 décembre devant le tribunal de Manhattan. Les procureurs réclament 12 ans de prison pour l'effondrement de Terra Luna, une fraude de 40 milliards de dollars dépassant les dégâts combinés de FTX et Celsius.
Le tribunal fédéral de Manhattan rend aujourd'hui son verdict dans l'une des plus grandes affaires de fraude de l'histoire des cryptomonnaies. Do Kwon, le fondateur de Terraform Labs, fait face à une peine de 12 ans de prison réclamée par les procureurs américains pour avoir orchestré l'effondrement de l'écosystème Terra Luna en mai 2022, causant plus de 40 milliards de dollars de pertes aux investisseurs à travers le monde.
L'audience de condamnation se tient ce 11 décembre 2025 à 11 heures, salle 1305 du tribunal fédéral situé au 40 Foley Square à New York, sous la présidence du juge Paul Engelmayer. Kwon Do-hyung, connu sous le nom de Do Kwon, a plaidé coupable en août 2025 de deux chefs d'accusation : complot en vue de commettre une fraude électronique et fraude électronique.
Dans leur réquisitoire, les procureurs décrivent la fraude comme « colossale par son ampleur ». Selon le dossier déposé auprès du tribunal, les pertes liées à l'effondrement de Terraform ont dépassé celles causées par les faillites combinées de FTX de Sam Bankman-Fried (8 milliards de dollars), de Celsius d'Alex Mashinsky et du système OneCoin.
« L'effondrement du projet Terraform de Do Kwon a causé des pertes qui ont dépassé celles de FTX, Celsius et OneCoin réunis. »
— Réquisitoire des procureurs fédéraux américains
L'écart entre les demandes de l'accusation et de la défense est considérable. Les procureurs fédéraux réclament la peine maximale prévue par l'accord de plaidoyer, soit 12 ans d'emprisonnement, assortie d'une confiscation de plus de 19 millions de dollars et de plusieurs propriétés. La peine maximale légale pour les charges retenues atteint 25 ans.
Les avocats de Do Kwon demandent quant à eux une peine plafonnée à 5 ans, arguant que cette durée est « plus que suffisante ». Dans leur mémoire, ils soulignent les près de trois années déjà passées en détention, dont une grande partie dans des « conditions brutales » au Monténégro, où Kwon a été arrêté en mars 2023 alors qu'il voyageait avec un faux passeport.
L'affaire remonte à mai 2022, lorsque l'écosystème Terra, alors troisième plus grand après Bitcoin et Ethereum avec une capitalisation de 50 milliards de dollars, s'est effondré en l'espace de trois jours. Le stablecoin algorithmique TerraUSD (UST), censé maintenir une parité avec le dollar américain, a perdu son ancrage le 9 mai 2022.
Le mécanisme prévu pour stabiliser l'UST a déclenché ce que les analystes appellent une « spirale de la mort ». En réponse à la perte de parité, le protocole a créé des trillions de nouveaux tokens LUNA pour défendre le cours, provoquant une dilution massive. Le prix de LUNA est passé de 80 dollars à pratiquement zéro en quelques jours, tandis que l'offre totale explosait de 1 milliard à 6 000 milliards de tokens.
Une étude de la Harvard Law School et du MIT Sloan révèle que les investisseurs les plus riches et les plus sophistiqués ont été les premiers à retirer leurs fonds, subissant des pertes relativement limitées. Les investisseurs moins expérimentés et disposant de moins de moyens ont réagi plus tardivement et ont subi les pertes les plus importantes.
Un témoignage recueilli illustre l'ampleur des dégâts humains : « L'effondrement a eu un impact énorme sur ma vie. Maintenant, je suis en retard sur toutes mes factures et j'ai perdu 40 000 dollars, soit tout ce que j'avais en épargne. »
L'effondrement de Terra Luna a déclenché une cascade de faillites qui a défini ce que l'industrie appelle désormais le « crypto winter » de 2022. Plus de 450 milliards de dollars de valeur ont disparu dans les semaines suivant l'effondrement de Terra, suivis de 200 milliards supplémentaires lors de la faillite de FTX en novembre 2022.
Les principales victimes collatérales incluent :
Selon l'étude académique publiée par le NBER, la durée de contagion de l'effondrement Terra a duré 11 jours de trading, plus longue que toute autre crise précédente dans l'histoire des cryptomonnaies.
Le juge Engelmayer a soulevé plusieurs questions complexes avant l'audience, notamment concernant le traitement des 17 mois passés par Kwon en détention au Monténégro et les poursuites parallèles en Corée du Sud, où les procureurs réclament jusqu'à 40 ans de prison.
Les autorités américaines ont indiqué qu'elles pourraient soutenir le transfert de Kwon vers la Corée du Sud pour la seconde moitié de sa peine, s'il respecte les termes de l'accord de plaidoyer. Cette perspective de double condamnation internationale a conduit la défense à plaider pour une peine américaine réduite.
En parallèle des poursuites pénales, la Securities and Exchange Commission (SEC) a obtenu un règlement civil historique de 4,5 milliards de dollars en juin 2024 contre Terraform Labs et Do Kwon. Ce montant comprend 3,586 milliards de dollars de restitution, 466 millions de dollars d'intérêts et 420 millions de dollars de pénalités civiles.
Le verdict du jury, rendu après moins de deux heures de délibération en avril 2024, a établi que les tokens LUNA et UST constituaient des contrats d'investissement au sens du test de Howey, ouvrant la voie à une réglementation plus stricte des stablecoins algorithmiques.
Cette condamnation devrait établir un précédent majeur pour les futures affaires de fraude crypto. Les experts juridiques notent que le cas Terraform démontre que la juridiction américaine peut atteindre les entités crypto offshore lorsque des investisseurs américains sont affectés, indépendamment de la localisation physique des fondateurs ou du siège social de l'entreprise.
Si les procureurs obtiennent les 12 ans demandés, la peine de Do Kwon se situerait dans la fourchette haute des condamnations récentes pour fraude crypto :
Toutefois, avec les 40 ans potentiellement requis en Corée du Sud, Do Kwon pourrait faire face à la peine combinée la plus longue de l'histoire de la fraude crypto.
L'affaire Do Kwon illustre les risques inhérents aux stablecoins algorithmiques et aux promesses de rendements élevés dans l'écosystème crypto. Le protocole Anchor, au cœur de l'écosystème Terra, attirait 75 % de l'offre d'UST en circulation en promettant un rendement annuel de 20 % — un niveau que de nombreux analystes jugeaient insoutenable.
Pour les investisseurs français et européens, cette affaire souligne l'importance de la diligence raisonnable et de la compréhension des mécanismes sous-jacents avant tout investissement dans les actifs numériques. La complexité du système Terra/Luna rendait difficile, même pour les initiés, l'évaluation des risques réels.
La décision du juge Engelmayer, attendue dans les heures qui viennent, marquera un tournant dans l'application du droit américain aux fraudes crypto transfrontalières et définira les attentes en matière de responsabilité pour les fondateurs de protocoles décentralisés.
